Prendre conscience d'aller vers l'écriture



J’ai fermé la porte de ma chambre en soupirant. Mon regard s’est porté sur ma petite table Ikea bas de gamme. Des semaines que j’angoisse à l’idée de m’asseoir à mon bureau d’écriture. Aucun obstacle visuel ne m’empêche d’atteindre mon objectif : écrire une ligne. Juste une ligne, ce n’est pas sorcier, pensai-je en mon for intérieur.

Tiraillée comme un lion en cage, je me promène de long en large à mes barreaux imaginaires. Rien physiquement, ne m’obstrue le passage pour griffonner quelques mots dans un calepin et pourtant, mon corps ne m’obéit pas.

J’installe mes écouteurs sans fils sur ma tête et grimpe le volume aussi fort qu’il m’est possible pour ensevelir mes pensées. Je sais qu’en ignorant le nuage sombre qui passe entre mes deux oreilles, je vais réussir à franchir les quelques centimètres pour atteindre ma chaise.

Après des mois d’absences et d’inactions de ma part envers mon rêve, rends la tâche insurmontable et le pire, c’est le sentiment d’échec et de culpabilité qui m’envahit. C’est une chance alors, me dis-je, que je n’ai pas fait défiler l'actualité Facebook ce matin… Pour une dose de culpabilité, ce réseau social remporte la palme.

Depuis mes débuts dans l’écriture, je sais pertinemment que mes émotions interfèrent avec mes séances d’écriture. Une trop grande joie et un corps énergétique me rendent incapable de m’asseoir et me concentrer. Quand la tristesse ou la colère m’envahit, je me sens réceptive à m’asseoir avec moi-même et me demander, avec douceur, ce qui ne va pas. Mais je sais aujourd’hui que ces sentiments ne doivent pas être les seuls qui doivent être recueillis dans mon écriture, car ils sont aussi très énergivores. Et quand j’ai la tête froide, j’organise mes séances comme un maître chevronné. La différence entre ses états peut-être le simple résultat d’une absorption importante de caféine. Puis-je impunément laisser mon destin à une compagnie de café ? Évidemment que non.

J’allume deux chandelles et propage l’encens dans la pièce. Tant qu’à rester figée, autant commencé par de petites actions anodines afin de rappeler à mon corps que je commande toujours. Je range un cousin et replie une couverture. Le parfum enivre mes sens et me met à réfléchir à la prochaine étape qui me permettra de gagner contre mon agitation aujourd’hui.

J’ai toujours été envieuse des personnes qui se concentraient sur une tâche avec aisance. Du moins, à mes yeux, cela semble parfois si facile, mais l’est-ce nécessairement ? Pour ma part, l’agitation, cette balle de laine entremêlée en guise de cerveau, c’est mon combat quotidien. C’est comme si le câblage dans ma tête est fait avec un filage de fortune et qu’on s’est amusé à le brancher n’importe comment. Pour ne donner qu’un exemple, entourer de gens qui conversent sur un sujet important, je vais me concentrer sur les cliquetis de l’horloge ou de la température dans la pièce et peut-être réfléchir à mon chat, qui doit gruger un coin de mur de l’appartement et à comment se sent ma collègue en face de moi, à quoi réfléchit-elle actuellement, pense-t-elle aussi à son animal domestique ou entend-elle le bruit des vagues du Mexique ou s'il est possible de s'apperçoir qu'une personne écoute ou non dans une rencontre d'équipe, est-ce que je suis entrain de fixée un peu trop intensément mon patron en ce moment ?

Si seulement la volonté avait un rapport dans le processus. Je veux ! Qui ne voudrait pas réaliser son rêve un jour à la fois ? 

Concentre-toi ! Tu n'es pas dans une salle de rencontre, tu es dans ta chambre... La prochaine étape pour aller m’asseoir et écrire, quelle est-elle déjà? 

Encore debout,  j'ouvre mon cahier de travail d'écriture et mon agenda. Je mets simplement le tout à jour. Une chose en entrainant une autre, je prends un peu plus de temps pour réfléchir sur certain sujet, puis sur des actions posées dans le passé, des intentions que j’avais noté pour décembre 2021. Je me questionne, cette fois, sans jugement et je réponds honnêtement. Étrangement, j’oublie rapidement mes hésitations, ma peur et la culpabilité. Je m'assois finalement, sans trop m'en rendre compte, parce qu'écrire c'est plus facile dans cette position.

Je le réalise et je me sens fière d’avoir accompli ces quelques pas supplémentaires aujourd’hui. Et l’envie soudaine d’écrire me prend…

J’imagine qu’en lisant quelques lignes, vous avez compris sans grand effort et rapidement que malgré quelques détours mentaux, je me suis sortie de mon inertie. Rien de mieux que de s'utiliser comme personnage central et s'observer agir. Cela m’oblige à me concentrer pour demeurer dans le moment présent.

J’ai réussi à faire mon bilan mensuel de mon écriture et ça, même en n’ayant pas avancé d’un iota dans mes objectifs depuis des semaines. Quoi raconter quand on n’a rien fait ? Mon devoir est de prendre le crayon, de fournir un effort de concentration et noter mes impressions, ce qui me préoccupe et pourquoi je n’ai pas avancé ce mois-ci. Il est important de prendre conscience de ce qui nous mène ou nous empêche d’écrire.

Ainsi, j’accepte les conseils de mon mentor d’écriture et avance vers une pratique plus consciente et plus douce, moins compétitive, moins culpabilisante. Mon souhait est que cette pensée m'accompagne tout au long de l'année 2022.



 

 

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