Le meilleur des mondes D'Aldous Huxley- Ma lecture malaisante de la semaine




De bébés éprouvettes à un monde aseptisé, vivre et s’identifier par la consommation, une joie de surface et artificielle, dopée au soma (drogue). Le meilleur des mondes D’Aldous Huxley donne froid dans le dos avec ses femmes pneumatiques (modèle parfait de la femme avec un rappel peu subtil des concepts de voiture Ford), où vous appartenez à tout le monde et à personne à la fois ( surtout pas à vous-mêmes), l’aspiration personnelle refusée. Il s’agit d’un livre dur dont les qualificatifs de société utilisés sont arriérés, font la lumière sur des noms d’un autre temps ( mais pas si loin en fin de compte), une vision d’un système de castres qui promet cette fois de fonctionner, mais qui donne l’impression d’un film d’horreur.

Dans un premier temps, ceci n’est pas une critique du livre, mais plutôt une tentative de soulever et organiser mes pensées. Je conseille ce livre aux écrivains qui se demandent parfois s’ils vont trop loin. Pour savoir qu’il existe un genre d’écriture différent qui permet d’ébranler les perceptions, réaliser que la liberté d’expression mérite d’être défendue au risque de voir le beau comme le laid de notre société. De permettre aux écrivains de comprendre qu’en dire peu, parfois aura l’impact désiré. Le rythme de ce livre est cassé, étrange, brusque. 

Dans un second temps, je laisse à d’autres le soin d’analyser cette œuvre, méthodiquement, de souligner ces termes honteux et ces images dégradantes sur des cultures qui sont trop souvent la cible de clichés. Je laisse à d’autres de mettre en lumière la définition et l’explication des systèmes de castres. 

Dans un troisième temps, voici mes réflexions suite à la lecture du roman: 

Dans l’ouvrage  on voit clairement l’horrible sens de ce monde, que le meilleur des mondes dit utopique est décrit comme étant vide, sans émotion et tristement calculé … En tant que lectrice, cette œuvre me met mal à l’aise au plan éthique et au plan personnel. N’est-ce pas le but, après tout ? J'ai ressentis de la froideur, de l'étouffement et de l'agitation pendant ma lecture. Je me suis projetée dans cette œuvre, en me disant : et si c’était cela désormais ma réalité ? Et j'ai eu sincèrement peur. En tant qu’écrivaine je n’enlève pas le talent et l’imagination de l’auteur qui à son époque, il faisait avec sa perception et son esprit (esprit étroit dirons certain, visionnaire dirons d’autre). En tant qu’écrivaine, j’en ressors avec plus de questions que de réponses.

Ce livre est banni dans plusieurs pays et je peux comprendre ce qu’il représente. J’aurai eu peur de l’écrire moi-même. Aurais-je pu porter ce fardeau de conscience ? Anaël Verdier me disait que si j’étais encore mal à l’aise par rapport à mon sujet, je n’étais pas allé encore assez loin. Il faut alors faire plus de recherches,  faire du peaufinage et bonifier des personnages, remplacé des mots pour plus d’impact, améliorer les images et la poésie de mes phrases. Un travail titanesque, quoi !

Le Monde Fordien n’est pas si loin de notre réalité, en fin de compte, et je pense que c’est cette lucidité d’époque d’Aldous Huxley qui me met autant mal à l’aise. Une vie qui se résume aux options à la naissance qui aura dans un flacon (éprouvette), pour construire un humain, dont l’utilité sera déterminée à l’avance, conditionné au point qu’aucune personnalité ne puisse émergée pour le bien de tous. C’est un peu ce qu’on vit, non ? Une détermination de genre, de couleur de peau, d’origine, de niveau d’éducation… Le sujet est effrayant, risqué et scandaleux même. En tant qu’auteurs, avons-nous cette liberté d’imaginer tout ça ? N’est-ce pas un peu psychopathe ?  

  •  Comment dire tout comme auteur ?
  •  La liberté d’expression, qui de nos jours, est un sport à haut risque, comment s’y tracer sa voie ?
  • Comment explique-t-on nos visions du futur ? Quel genre littéraire nous permet de rendre au mieux nos messages ?
  • Est-ce que sensibiliser la société à des lointains  désastres humanitaires, environnementaux et culturels est notre super pouvoir ? Comment utiliser ce pouvoir pour faire le bien ? Juste le bien, ou faire mal parfois, peut faire du bien ?

Tous les débats sont bons et doivent continuer d’être amenés au premier plan, mais au final, est-ce que les mots suffisent à raconter la réalité, à transmettre et conseiller l’humanité ?   Quand les voix qui portent les messages sont hétérogènes, sur une place publique où le discours n’accepte plus l’hésitation et les sans réponses, que tout est noir ou blanc, n’est-il pas du rôle et du devoir de l’écrivain de continuer de marteler ce qui ne va pas dans la société ? Au risque de brusquer, au risque d’offenser, d’indigner, de rendre incertain, de fouetter à la racine de l’inertie, de promouvoir la diversité de pensées, d’accepter d’être un observateur silencieux et de laisser à d’autre de décider.

Enfin, je crois que l’important est de continuer à lire pour permettre à notre idéal de ressortir, en tant qu’écrivain. Notre métier, nous l’apprenons souvent à la dure : par la critique, par le silence radio de nos proches, par les nombreux refus d’être édité, par notre manque de rigueur à la relecture et aux corrections, par les sujets tabous que nous acceptons de porter envers et contre tous, par nos hésitations. Ces difficultés nous honorent comme écrivain, déplaire fait partie de notre mission, comme celle de faire du bien et de divertir.

Maintenant à vous de me dire, est-ce qu’il existe des lectures qui vous ont retournés au point de douter de continuer à faire ce métier ?




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